Entretien Andrea Bellini & Guerreiro do Divino Amor
B. : Cher Guerreiro do Divino Amor, je voudrais commencer cet entretien depuis le début, c'est-à-dire depuis ton nom, qui est effectivement très curieux. Je pense qu’il pourrait être intéressant pour le public de comprendre son origine. Quand et pourquoi as-tu décidé d'adopter ce pseudonyme ?
G. : Il m’est venu quand j’étais adolescent. Guerreiro, c’est le nom de famille de ma mère. Et à l’époque, mon père avait une petite amie qui était pasteure à l’église évangélique, brésilienne aussi. Et elle voulait à tout prix me faire jouer dans un groupe musical à l’église. À l’époque, j’étais plus heavy metal, alors j’ai inventé ce nom de groupe, Guerreiro do Divino Amor, pour chanter à l’église. Mais je n’y suis jamais allé jouer. Je ne l’ai pas beaucoup fréquentée, c’était un peu trop radical pour moi cette église. Mais j’ai beaucoup aimé ce nom, il est toujours resté dans ma tête, il m’a beaucoup marqué, alors j’ai commencé à signer comme ça, à devenir Guerreiro do Divino Amor.
B. : Ton père est genevois et ta mère est originaire de Rio de Janeiro, tu as donc deux passeports. Comment as-tu vécu cette double identité ? Ce sont deux cultures très éloignées l'une de l'autre, n'est-ce pas ?
G. : Je pense que maintenant, après avoir vécu quelques années en Suisse, et depuis dix ans au Brésil, tous les morceaux de cette grande superfiction se sont un peu collés… Ces identités fictionnelles font partie de la base de mon travail. Dès qu’on part d’un pays, qu’on ne vit pas là où sont nos origines, on commence à avoir une vision fictionnelle du pays. Par exemple d’avoir grandi en France avec ma mère qui est brésilienne mais qui a quitté son pays dans les années 1970, d'avoir baigné dans cette culture à la maison en parlant brésilien, c'était évidemment une culture brésilienne fictionnelle, une identité qui était devenue abstraite. J’ai constaté, en discutant avec beaucoup de gens qui sont originaires d’un peu partout dans le monde et par rapport aux gens qui sont restés où ils sont nés, que le pays quitté devient une grande fiction. Je m’en suis rendu compte par exemple quand je suis venu vivre au Brésil. Je parlais, mais il a fallu quelques années pour vraiment comprendre et s’ancrer dans une certaine réalité du pays, même si je parlais très bien, couramment, j’avais toutes les références, mais c’était encore quelque chose de fantasmagorique. Avec la Suisse, c’était pareil, j’y venais aussi beaucoup pour les vacances, parce que mon père est genevois. Ces identités fictionnelles sont assez fondatrices de ma personne, ce sont un déclencheur de travail aussi. Quand je passais étant petit du temps à Rio avec la famille, je ne pouvais pas trop sortir, alors j’étais plongé dans les télénovelas, les programmes de Xuxa, toute cette pop culture qui a été très marquante pour moi.
B. : Ta double nationalité suisse-brésilienne et le fait que tu aies grandi aussi en France t'ont permis d'habiter littéralement un « ailleurs », de considérer la question de l'identité « nationale » comme une fiction, une construction. D'où sans doute ton intérêt pour démasquer les clichés sur lesquels reposent les grands récits nationaux et les tourner en dérision. Mais comment as-tu développé ton travail d'artiste qui consiste essentiellement en une véritable recherche sur le terrain ?
G. : J’avais déjà commencé mon travail de recherche pendant mes études d’architecture. Plus le temps passe et plus je constate que cette formation d’architecte a été fondamentale pour mon travail. C’est grâce à elle que j’ai développé mes méthodes de recherche, qui évidemment avec le temps ont évolué, mais la base c’est encore un regard d’architecte, et une réaction à l’architecture aussi.
B. : D'une certaine manière, on pourrait dire que tu t'intéressais à l'architecture en tant qu'outil de compréhension du monde, plutôt qu'en tant qu'outil de construction de bâtiments à sa surface.
G. : Oui, tout à fait, l’enseignement autant à Grenoble qu’à Bruxelles était très ouvert et expérimental… C’était de la recherche en architecture, c’est de là que sont nés les deux premiers chapitres, cette forme d’écrire, de travailler. Et aussi – en embryon – les images que je développerai plus tard. Mais, comme à l'époque il n'y avait pas toutes les technologies dont nous disposons aujourd'hui, le résultat de mes premiers travaux était peut-être un peu approximatif (rires). C’est Victor de Castro, un ami cher, qui m’a ensuite poussé à me lancer en tant qu’artiste. En 2012 j’ai pu suivre un cours technique d’effets spéciaux avec After Effects et là j’ai senti que le monde s’ouvrait, que j’avais trouvé l’outil qui me manquait pour reprendre mon projet d’Atlas superfictionnel. En 2015, déjà au Brésil, j’ai participé en tant qu’auditeur libre à des cours au Parque Lage à Rio et c’est là que Bernardo de Souza m’a invité à présenter une nouvelle version de SuperRio dans une exposition.
B. : Tu étais donc encore architecte lorsque tu as commencé l'ouvrage pour lequel tu es le plus connu, le Superfictional World Atlas, et dont les deux épisodes que nous présentons dans le pavillon suisse font partie ?
G. : Oui, et je suis encore officiellement architecte.
B. : Architecte de formation et artiste autodidacte ! Peux-tu expliquer de manière simple à nos lecteurs et visiteurs ce qu’est le Superfictional World Atlas ?
G. : C’est un projet potentiellement infini. Quand j’ai commencé, à Bruxelles, je ne savais pas encore que j’étais en train de faire un Atlas, mais dans Battle of Brussels il y a déjà cette allégorie des deux civilisations antagoniques, le Super Empire et les Super Galaxies, qui s’affrontent, qu’on retrouvera sous différentes formes dans tous les chapitres de la saga. Ensuite, je suis parti à Rio, pour obtenir mon diplôme, ce qui a donné SuperRio en 2005. C’est des années après, en discutant, en regardant, que je me suis dit : « Ah ! c’est relié, ce sont des chapitres. » Il y a des questions qui traversent tous ces chapitres, les auto- représentations nationales, les mythologies corporatives, les relations entre foi et capitalisme, entre modernisme et classicisme, etc. Et chaque chapitre va porter un éclairage différent sur des questions qui finalement touchent au monde entier, mais qui ressortent de manière plus évidente dans un endroit que dans un autre.
B. : Dans un entretien que tu as eu avec Luis Camillo Osorio, j’ai lu que tu disais que ton œuvre, d’une certaine façon, s’adresse à la complexité de l’apocalypse. Crois-tu que l’on marche bel et bien vers l’apocalypse ? Quel type de pensée politique as-tu par rapport à cela ?
G. : Je pense qu’on est depuis longtemps dedans, et pour beaucoup de peuples, de civilisations, il est déjà passé. On est dans la post-apocalypse.
B. : Je suis d'accord. On voit de temps en temps quelqu’un parler de la fin de notre monde, mais il ne faut pas oublier que pour beaucoup de peuples et de civilisations, le monde est déjà fini.
G. : Oui, effectivement. Quand j’ai fait cet interview avec Luis Camillo, c’était le moment de l’élection de Jair Bolsonaro au Brésil. C’était comme l’apothéose de l’apocalypse, sa personnification grotesque, la fin du monde expliquée sous une forme très didactique, avec tous ses aspects possibles ; de l'annihilation explicite de cultures, de différents biomes, de la destruction de nos familles LGBT, de l’état social, du lien d’amour entre les personnes aussi. C’était la cristallisation de l’apocalypse, comme l’apogée du projet colonial nu et cru sans les fioritures d’une supposée démocratie raciale pour le mitiger. En regardant de loin, la Suisse peut paraître comme l’anti-apocalypse, une terre promise que rien ne peut ébranler. Lorsque la pandémie a commencé en 2020, je venais d’arriver en Suisse pour faire mes recherches sur Helvetia, c’était le chaos partout, mais en première page des journaux suisses on lisait : « Nous sommes un pays riche, rien ne va nous arriver, rien ne va se passer. » Plus tard dans la pandémie la grande question s’est posée de savoir si les gens allaient pouvoir skier… Pourtant la Suisse a aussi un rôle très actif dans cette apocalypse, via les entreprises et les marchés financiers qui y ont leur siège. Beaucoup de crimes écologiques qu’on peut constater au Brésil par exemple, ont un lien très direct avec des décisions prises en Suisse, et j’ai pu voir clairement les limites de la bienveillance suisse notamment lors de la campagne cynique du Conseil des États contre l’initiative des multinationales responsables. Beaucoup de technologies développées en Suisse sont directement utilisées sur les champs de bataille de manière cruelle. Si certaines civilisations sont exterminées par d’autres, la civilisation blanche, elle, est en train de mourir de sa mort naturelle, ce qui expliquerait ses derniers soubresauts identitaires. Le capitalisme dévore et régurgite tout sous forme d’images, finissant par se détruire ainsi lui-même.
B. : Avant de parler du pavillon, je voulais te poser une dernière question sur ton travail. Il me semble évident que ton esthétique n’est pas inspirée par un artiste ou un mouvement mais est issue plutôt de la culture populaire, de la télévision, des soap-opéras, de la publicité, des clips musicaux. En ce sens, il me paraît clair qu'en tant qu'artiste, tu es autodidacte. Est-ce vrai ?
G. : Oui, effectivement j’ai avec cet univers un rapport de fascination et de rejet en même temps, parce que ce sont les images qui m’ont bercé et pour lesquelles j’ai un grand attachement émotionnel. J’ai grandi dans les années 1980 et 1990 au moment de l’explosion des vidéos clips, des effets spéciaux, de la pop, de la Dance Music. En grandissant en tant qu’enfant gay, à l’époque où il n’y avait pas d’internet, on était seul et isolé, ce n’est pas comme aujourd’hui où il y a beaucoup plus de communautés et où il y a une compréhension plus forte – pas dans toutes les familles malheureusement – mais quand même. Et donc tout cet univers pop, c’était l’endroit des rêves, des projections. Les divas pop étaient comme un miroir fascinant dans lequel je pouvais m’identifier.
B. : C'est pourquoi je pense que ton travail a la capacité d'être compris par un large public qui n'a pas de formation ou de connaissances spécifiques en matière d'art. C'est d'ailleurs ce qui fait sa force : il utilise des codes esthétiques qui font partie de la culture populaire.
G. : Oui, depuis que j’ai commencé cette recherche, ce langage institutionnel, ces autofictions du monde de l’entreprise, de l’agrobusiness et de l’Église m’ont fasciné. Les superfictions historiques aussi : à Rome, tout ce baroque, c’était la pop de l’époque. C’est une manière de flamboyer, la pop touche le cœur des gens. Tu as dit que je travaille avec les clichés et les parodies des choses. C’est vrai que le travail commence à la surface des choses. Ce n’est pas du journalisme d’investigation. J’explore ce que le pays, les entreprises, les organisations religieuses donnent à voir comme culture, comme identité. Il est question de voir comment les stéréotypes se construisent et agissent. J’essaie avec ces collages de faire bouger ces éléments triviaux, de leur donner une certaine fragilité aussi, de faire trembler un peu toute cette construction en créant quelque chose d’étrange et menaçant dans ce contexte familier.
B. : Et drôle également…
G. : Oui, car le rire aussi est une arme. Quand on ne prend plus quelque chose au sérieux, c’est fini l’autorité. Parce que si quelqu’un imbu de son autorité te fait rire en te disant quelque chose, c’est foutu, fini le respect (rires). À l’école, au travail, en politique, partout. Et c’est toute la logique du carnaval, qui m’inspire beaucoup.
B. : Je crois aussi que l'ironie est une grande forme de sagesse, une expression de liberté. Pour paraphraser le titre de la Biennale, on pourrait dire qu'au pavillon suisse nous invitons le public à devenir étranger à l'intérieur de ses propres vérités. Ce n’est que par l’ironie que nous pourrons créer la bonne distance entre nous et le monde. C'est aussi l'esprit du carnaval, comme tu dis. Le carnaval comme espace de liberté de pensée et d'autonomie.
G. : Oui, le carnaval est central dans mon travail, tant dans l’esthétique que dans la structure narrative des chapitres. J’étudie beaucoup les défilés de carnaval, qui s’approprient des évènements historiques très dramatiques pour les transformer en allégories magnifiques qui parlent à des millions de personnes sans abandonner pour autant leur complexité.
B. : Il y a quelques années, avec l'intention d'ajouter un chapitre sur la Suisse à ton Superfictional World Atlas, tu es arrivé à Genève. C'est ainsi qu'est né Le Miracle d’Helvetia, que nous avons présenté au Centre d'Art Contemporain de Genève, dans le cadre de ta première grande rétrospective. Ici, dans le pavillon suisse, tu présentes le Miracle d’Helvetia, mais la vidéo est projetée dans un dôme. Peux-tu nous parler de cette installation ?
G. : Toutes ces superfictions de super supériorité généalogique se construisent dans un sens abstrait par des récits historiques, des mythes, mais aussi par l’architecture, les matériaux, la symétrie. L’espace d’une banque, d’une église, d’un tribunal, d’un musée, d’un pavillon de biennale ont souvent une structure similaire, qui est censée inspirer le respect et la soumission. C’est intéressant de voir cette géopolitique traduite en architecture dans les Giardini, au travers de ces représentations nationale. Ainsi, quand on sort du pavillon, on va voir encore des centaines de colonnes dans la journée (rires). Ce sont des images et des éléments architecturaux très familiers et classiques avec lesquels j’ai travaillé dans le pavillon, mais qui, déployés à outrance, deviennent grotesques, une overdose de marbre et de colonnes.
Le Miracle d’Helvetia est présenté dans un planétarium, c’est un édifice que j’aime énormément, il renvoie aux musées des sciences bien sûr, mais aussi aux stands de vente et aux coupoles des églises. Sous ce dôme on plonge dans l’Olympe suisse pour entrer en contact avec les déesses qui forment le panthéon helvétique. C’est un monde de science-fiction extrait de notre environnement quotidien.
B. : Dans Le Miracle d'Helvetia et Roma Talismano, mais aussi dans d'autres œuvres, tu travailles avec des gens qui semblent faire partie de ta famille élargie. Qui sont-ils et pourquoi travailles-tu avec eux ?
G. : Oui. Le travail avec ma « famille » élargie, comme tu dis, est très important pour moi. La Biennale m’a donné la possibilité d’appeler à travailler auprès de moi les gens que j’aime, dont j’apprécie le travail, et qui m’ont beaucoup influencé. Je pense d’abord à Ventura Profana, partenaire artistique de longue date, avec son travail pastoral de missionnaire, sa manière de concevoir l'Évangile sous un nouveau jour, sans seigneur. Elle m’a beaucoup appris intellectuellement, spirituellement, et aussi par sa manière de travailler. La foi, dans ce travail et dans tout ce que je fais, est très importante. Ventura a évidemment le rôle de Calvina dans le Miracle d’Helvetia. Elle vient d’une famille protestante baptiste, donc quelque part c’est aussi une héritière du calvinisme. Puis, la première fois que je suis venu à Rome, je lui ai envoyé tout de suite un message disant : on reviendra ici et tu seras la Lupa Capitolina. Je ne pensais pas que cette prophétie se réaliserait si vite. Sur ce projet j’ai pu pour la première fois collaborer avec mon mari Diego Paulino, qui est cinéaste de science-fiction, ce fut une expérience magnifique. Dans Roma Talismano il y a aussi les sculptures boucliers de Lyz Parayzo, des armes tout aussi magnifiques que dangereuses. Il y a encore beaucoup d’autres artistes et amies qui font partie de cette histoire comme Sallisa Rosa, qui a un très beau travail sur la mémoire de la terre, et qui tient le rôle de Seminatora, la déesse des matières premières et de l’agrobusiness.
B. : Parle-moi de cette chanson que tu as écrite à Rome.
G. : J’ai composé la chanson de Roma Talismano avec Beà Aayoola, compositrice multi-instrumentaliste brésilienne qui a grandi en Italie. C’est très intéressant d’avoir ce dialogue avec elle pour la musique, parce qu’elle avait une expérience complètement différente de l’Italie. Moi j’étais dans un contexte de résidence, de recherche à Rome, tandis qu’elle, elle a vécu une adolescence complètement folle là-bas, et pourtant on s’est retrouvés sur les références musicales et culturelles pour composer, et on a beaucoup ri. Cette chanson, c’était un grand défi pour moi parce que c’était la première fois que j’en composais une, dans une nouvelle langue qui plus est. J’ai toujours aimé les vidéoclips, certaines comédies musicales, donc c’était un rêve que je faisais depuis longtemps, et de pouvoir le réaliser avec Ventura ça n’avait pas de prix. Dans cette chanson il y a plusieurs moments et influences. Tout d’abord les chants religieux catholiques : quand j’étais enfant j’adorais ces chœurs, il y avait une magie hypnotique de chanter ensemble, c’est ce qui m’attirait à la messe. C’était donc naturel pour moi de revenir sur ces chants religieux, qui sont une forme de transe, de méditation, avec certaines parties plus pop, du funk brésilien, et d’autres musiques qui m’ont bercé. Et Rome étant ce lieu de pèlerinage vers l’olympe culturel, l’Opéra, intouchable talisman de la haute culture, ne pouvait pas manquer dans cette chanson.
B. : À propos de la louve romaine, pourquoi as-tu choisi l'Italie pour réaliser le dernier chapitre de ton Atlas mondial ? Et quel est le lien entre le Roma Talismano et le Miracle d'Helvetia ? Pourquoi fais-tu dialoguer la Rome antique et la Suisse moderne ?
G. : La Suisse et Rome sont deux lieux qui au-delà de leur existence physique sont devenus des concepts qui, chacun à sa façon, constituent des fondements de la superfictionnelle supériorité culturelle occidentale. La Suisse comme apothéose civilisationnelle serait la preuve que le capitalisme fonctionne, avec un peuple heureux, une nature préservée et un développement technologique de pointe. Par exemple, au Brésil, les villes de montagne qui se veulent parfaites, sont en lutte pour le titre de « Suisse du Brésil ». En Inde, il y a une guerre similaire : laquelle sera sacrée la « Suisse de l'Inde » ? Et ainsi de suite. C'est à Rome qu’on a fait de Jésus un dieu blanc et bienveillant, justifiant ainsi l'idée d'une supériorité divine de la race blanche, et donc le colonialisme, l'esclavage et ce qui est encore aujourd'hui la base de la structure patriarcale et néocolonialiste dans laquelle on vit. Ainsi le recyclage éternel d’une Rome antique fantasmée, avec ses bustes et colonnes décolorés, est une pièce fondamentale dans la construction de l’Être blanc. C’est le talisman de la construction de cet imaginaire de pouvoir qui s’appuie sur l’esthétique néo-classique et va se déverser sur l’Occident dans une avalanche de marbre et de colonnes. Pour revenir au Brésil, lors de la fondation de Brasilia, une des premières choses réalisées fut l’érection d’une réplique de la Lupa Capitolina devant le palais du gouverneur. Elle incarnait cette idée que le Brésil allait devenir une nation occidentale, une civilisation blanche dans la fièvre du rationalisme mystique. C’est là où pour la première fois j'ai pensé que je devais aller à Rome un jour, aux racines de cette superfiction, comprendre ses renaissances, ses resurgissements à l'époque fasciste et aujourd'hui.
B. : Une dernière question avant de nous quitter. À quelle réaction t’attends-tu de la part du public ? Comment espères-tu que ton œuvre sera perçue, appréciée ?
G. : C'est une installation complexe, alors j’espère que le public prendra un moment pour se plonger dans cet univers. J’essaie de faire un travail qui soit le plus accessible possible, pour moi c’est important, donc il n’a pas besoin de mode d’emploi, je pense. Juste s’asseoir, regarder, écouter, et voilà. (rires)